Pour un Établissement Européen de Financement Participatif (EEFP)
Pour un Etablissement Européen de Financement Participatif
Vers un cadre légal et réglementaire favorable au financement participatif des PME
Mai 2013
SYNTHÈSE
Le financement participatif des PME, ou « crowdfunding », peut fortement dynamiser le rôle des particuliers et ouvrir de nouvelles perspectives à des entreprises délaissées par le système actuel. Mais pour cela, un cadre favorable, stable, protecteur des épargnants et favorable au développement des entreprises, doit être mis en place. Il n’existe pas encore.
PME Finance propose la création d'un statut spécifique d'Etablissement Européen de Financement Participatif (EEFP) afin de donner un cadre clair à toutes les plates-formes européennes dont les activités pourraient ainsi être exercées non seulement au sein de l’Union européenne au titre du « passeport » mais aussi hors d’Europe grâce à une visibilité forte.
En attendant l’adoption d’un tel statut au niveau européen, nécessairement longue, PME Finance propose dès à présent une interprétation de la réglementation actuelle pour un cadre légal immédiat (CIF-RTO) et la création d’un statut d’Etablissement de Financement Participatif (EFP) en France, dans le cadre de la réglementation nationale actuelle, comme le premier étage d’une réforme nécessairement européenne.
Ce document veut poser la base d’une consultation la plus large possible de tous les acteurs concernés : entrepreneurs, financiers, pouvoirs publics, membres ou non de PME Finance. Il a été rédigé par le groupe de réflexion Crowdfunding et PME, composé principalement d’entrepreneurs et de plates-formes d' « equity crowdfunding » qui proposent aux particuliers d’investir au capital de start-up.
I. PÉRIMÈTRE CONSIDÉRÉ
Les propositions contenues dans le présent document concernent exclusivement la forme de finance participative qui permet aux particuliers de participer au financement des petites et moyennes entreprises en fonds propres et quasi fonds propres : le « crowdfunding equity ».
Le don contre contrepartie et le prêt entre particuliers constituent des segments du crowdfunding distincts du financement des entreprises. Ils sont donc exclus du champ des propositions.
La finance participative est donc ici définie comme la souscription ou l'acquisition par des investisseurs individuels, en direct ou à travers des structures intermédiaires transparentes et dédiées, d'instruments financiers émis par des entreprises hors du cadre de l'admission sur un marché réglementé ou organisé, le plus souvent via des plates-formes Internet.
La proposition d’un statut spécifique d'Etablissement Européen de Financement Participatif vise à créer un cadre juridique stable et durable qui garantisse
- le développement des acteurs du secteur
- la protection des épargnants
II. CONSTATS ET BESOINS
La finance participative répond à deux tendances que l'on observe largement :
- La difficulté croissante de nombreuses petites et moyennes entreprises à financer leur activité à travers les circuits traditionnels (banques, marchés financiers, fonds d'investissements).
- La demande croissante des épargnants pour des investissements « désintermédiés » et orientés vers l'économie réelle et les actifs tangibles.
Ce mouvement prend de l'ampleur à l'échelle de la planète, avec une vigueur particulière en Amérique du Nord et en Europe. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, malgré des résistances, cette source de financement semble en passe d’être considérée comme une évolution naturelle du secteur financier.
En France, l'essor du financement participatif est confronté à deux principaux obstacles :
- L’absence d’un cadre réglementaire européen relatif à la Finance participative. Ces activités sont actuellement principalement appréhendées à travers des notions comme l'offre au public de titres financiers (OPTF), pas toujours adaptées au fonctionnement de la finance participative (plates-formes Internet).
- Le cadre réglementaire actuel en France constitue un frein majeur au développement massif de la finance participative, non seulement compte tenu des textes européens mais aussi de l’interprétation que les régulateurs donnent souvent à ces textes.
On assiste ainsi à l'arrivée d'acteurs internationaux qui bénéficient de lois favorables dans leurs Etats d'origine (cf. annexe). Ils seront rapidement capables de :
- proposer leurs services à des entreprises françaises,
- permettre à des épargnants français d'investir sur des plates-formes basées à l'étranger.
Il est donc urgent de mettre en place au plus vite un statut légal adapté en France, puis au niveau européen.
Cela permettra, d'une part, de faire de la finance participative en France un outil au service du développement des entreprises et, d'autre part, de traiter également l'ensemble des acteurs de la finance participative en Europe. Ce nouveau statut doit concilier les intérêts des :
- Entrepreneurs/émetteurs : disposer d'un cadre légal et efficace pour proposer aux épargnants de participer au financement de leur développement,
- Epargnants: investir dans un cadre sécurisé sur le plan technique et juridique, à travers des plates-formes gérées par des acteurs professionnels agréés disposant d'un statut reconnu et identifiable,
- Opérateurs de plate-forme: opérer leur activité dans un cadre juridique stable et durable.
III. PROPOSITIONS DETAILLEES
PROPOSITION 1 : Création d'un cadre juridique adapté
Proposition 1.1 : Création du statut d'Etablissement Européen de Financement Participatif
Considérations générales
- Objectif : Favoriser le développement des plates-formes de finance participative afin de permettre aux petites et moyennes entreprises de présenter leurs projets de financement dans un cadre sécurisé, pour l'épargnant et pour l'émetteur.
- Constat : Le cadre actuel est inadapté et crée une incertitude juridique forte qui empêche le développement des plates-formes. Le statut d'Etablissement Européen de Financement Participatif permettra aux plates-formes de présenter des projets sécurisés sur le plan juridique aux épargnants.
- Propositions : Le statut d'Etablissement Européen de Financement Participatif, ainsi que les activités exercées et les obligations de ces établissements devront être définis dans une directive européenne.
Activités
Les EEFP ainsi créés seront autorisés à exercer les activités suivantes :
- le placement non garanti (défini à l'article L321-1 du comofi): cette activité, dont la caractérisation précise est encore floue, est réservée aux PSI et interdite dans le cadre de l'exercice de l'activité de CIF. Il convient d'autoriser le placement non garanti pour les EEFP et de diminuer le seuil de fonds propres obligatoires (aujourd'hui de 750K€) dont le niveau semble injustifié.
- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers (défini à l'article L321-1 du comofi): cette activité est aujourd'hui autorisée en France pour les CIF lorsqu'il s'agit de titres d'OPC, elle est interdite aux CIF lorsqu'il s'agit de titres vifs. L'autorisation de l'activité de RTO sur titres vifs permet d'interfacer les EEFP et les PSI, ce qui favorise notamment l'inscription des titres au nominatif administré, et permet ainsi l'inscription des titres sur des comptes-titres comme le PEA au niveau national,
- La collecte-conservation-transfert des fonds (activité à définir dans les textes), qui consiste à collecter pour chaque opération les fonds sur un compte séquestre distinct des comptes de l'EEFP, et à débloquer les fonds lors de la réalisation des opérations. Cette activité, distincte de l'encaissement pour compte de tiers qui reste interdite pour les EEFP, permettra de faciliter la réalisation des opérations et de sécuriser le cadre juridique pour les épargnants.
- Le mandat de représentation (activité à définir dans les textes), qui consiste à représenter auprès d'un émetteur la masse des investisseurs, notamment pour la transmission de toutes les informations juridiques. Cette activité est distincte du mandat de gestion qui reste interdite pour les EEFP.
- le démarchage (défini à l'article L341-1 du comofi): cette activité, qui n'existe pas au niveau européen, sera ajoutée à l'article 341-3 du comofi au niveau national pour les EEFP et précise que cette autorisation sera limitée à l'activité propre de l'EEFP et ne sera pas étendue aux titres financiers proposés, au même titre que le démarchage pour les CIF est limité au 5° de l'article 341-1 code monétaire et financier, c'est-à-dire uniquement pour l'activité de conseil financier.
Obligations
Les EEFP ainsi créés devront se conformer aux obligations suivantes :
- Vérification des informations fournies par les émetteurs aux épargnants, de manière à ce que tout investisseur dispose d'une information exacte et exhaustive au moment de la prise de décision d'investissement. Cette information est rassemblée et définie dans un document de synthèse dont les émetteurs resteront entièrement responsables. La trame de ce document de synthèse s'inspirera des rubriques de la directive européenne "Prospectus" et sera définie par l'AMF. Le document comportera les rubriques suivantes:
- Informations juridiques relatives à l'émetteur
- Informations juridiques relatives à l'opération d'émission de valeurs (nature des titres émis, droits attachés, modalité de modification de ces droits…)
- Informations détaillées sur l'actionnariat (évolution, impact de l'opération proposée, détail des instruments dilutifs émis et leur impact sur la répartition du capital…)
- Informations sur la gouvernance (organes de direction, fonctionnement des AG, rémunérations des dirigeants…)
- Situation financière de la société (résultats, capitaux propres, endettement, fonds de roulement, immobilisations, utilisation des fonds levés…)
- Liste détaillée des facteurs de risque.
- Une obligation de fonds propres prudentiels minimum qui s'élèveront à un montant minimal de l'ordre de 50.000 €, et qui seront augmentés d'un pourcentage de l'activité des fonds annuellement investis par leur intermédiaire, ce pourcentage pourra être précisé par décret au niveau national.
Proposition 1.2 : Création au niveau français d’un statut d’Etablissement de Financement Participatif
Dans l’attente de l’adoption d’EEFP, il est possible au législateur français de créer un statut nouveau, différent de ceux de CIF et de PSI déjà existant. Ce statut national vise à offrir un cadre propre aux plates-formes de finance participative en lieu et place du statut de CIF, peu adapté compte tenu de la complexité des relations avec les clients via Internet.
Le contenu de ce statut reprend pour l’essentiel celui de l’EEFP mais en le limitant aux exceptions autorisées par le droit européen. Il peut en effet s’inscrire dans les exceptions permises au niveau européen au sujet de la fourniture de services d’investissement. La directive MIF autorise en effet les Etats membres à ne pas appliquer la directive aux personnes qui (i) ne détiennent pas de fonds des clients, (ii) fournissent uniquement le service de conseil en investissement et de RTO (art. 3).
Le statut de CIF adopté en France est plus étroit que ce que permet la directive MIF. Dès lors que l’EFP ne réalise pas de services d’investissement autre que celui de conseil en investissement et/ou de RTO, il peut être réglementé au niveau national hors de la directive MIF.
La création de l’EFP en France nécessite l’adoption d’une loi pour s’insérer dans le cadre du code monétaire et financier. Les EFP ne pourront pas bénéficier du « passeport européen » et l’EFP ne sera pas qualifié de PSI. Ce statut national serait ainsi le premier étage d’une réforme plus large à intervenir au niveau européen.
Proposition 1.3 : Interprétation de la réglementation pour un cadre légal immédiat en France, afin de permettre aux plates-formes françaises d'exercer leur activité dans l'attente de la création du statut d'EFP au niveau français et européen.
- Objectif : Favoriser le développement des plates-formes françaises dans un contexte où des plates-formes européennes peuvent exercer en France à partir de pays qui bénéficient d'interprétations plus souples de la réglementation.
- Constat : Les principales plates-formes exercent actuellement leurs activités dans le cadre du statut de CIF. Les services de placement et de RTO sur titres vifs notamment ne peuvent pas être réalisés dans ce cadre. Il ne s'agit pas d'autoriser le placement, mais de considérer que l'activité de financement participatif ne relève pas de cette activité. Pour le service de RTO, il s'agit d'élargir les autorisations relatives à la RTO de titres vifs, dans le respect des dispositions européennes.
- Proposition :
- Le placement non garanti (défini à l'article L321-1 du comofi): cette activité est aujourd'hui interdite dans le cadre de l'exercice de l'activité de CIF. La notion de placement a été précisée par la position de l'AMF n° 2012-08, dans laquelle le régulateur définit 2 conditions cumulatives pour caractériser l'activité de placement. Il convient de préciser que cette position s'applique à l'activité des plates-formes en interprétant la commercialisation des titres vifs proposés par les plates-formes comme des produits d'épargne au même titre que les parts d'OPC, et en précisant la notion de service rendu aux émetteurs, afin d'exclure le service de placement des services fournis par les plates-formes.
- Réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers (défini à l'article L321-1 du comofi): Il s'agit d'autoriser l'activité de RTO sur titres vifs couplée à un service de conseil en investissement comme le permet la réglementation européenne.
Ces précisions d'interprétation par le régulateur permettront dans un premier temps aux plates-formes françaises de disposer d'un cadre stabilisé. Cette adaptation réglementaire ne sera néanmoins ni satisfaisante ni suffisante pour permettre aux plates-formes françaises de se développer pleinement. La création d'un nouveau statut d'EEFP qui inclut des services d'investissement spécifiques reste indispensable.
PROPOSITION 2 : Extension aux SAS sous conditions de l'exclusion du champ d'offre au public de titres financiers (OPTF)
- Objectif : Favoriser le financement des SAS, forme la plus répandue des jeunes entreprises créées.
- Constat : Aujourd'hui seules les Sociétés Anonymes (SA) sont autorisées à offrir leurs titres au public. Par conséquent, seules les SA sont autorisées à entrer dans le champ de l'exclusion de l'OPTF. Or les Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) sont fortement prépondérantes en nombre de créations de sociétés, en raison de la grande liberté statutaire offerte par cette forme de société. Il semble donc utile de favoriser leur financement.
- Proposition : Les SAS ne sont pas autorisées à offrir au public leurs titres financiers, et il ne s'agit pas de les y autoriser. En revanche, il s'agit de les autoriser à entrer dans le cadre dérogatoire de l'OPTF sous 4 conditions (ajout d'un paragraphe III à l'article 411-2 du code monétaire et financier) qui pourront être modulées en fonction de critères de taille de bilan et/ou d'activité:
- La présentation du projet d'opération aux épargnants exclusivement à partir des Etablissement de Financement Participatif agréés, qui garantissent ainsi la fourniture d'informations préalable à l'investissement,
- Nomination de commissaires aux comptes à partir de l'exercice d'entrée au capital d'investisseurs particuliers dans le cadre de l'exemption d'OPTF,
- Respect des principes de gouvernance définis par les articles L225-17 à L225-95 Code de Commerce sur la nomination et le fonctionnement d'un conseil d'administration ou directoire et conseil de surveillance applicables aux SA,
- Respect des principes de gouvernance définis par les articles L225-96 à L225-126 du Code de Commerce sur les règles de fonctionnement des assemblées générales applicables aux SA.
La protection des investisseurs en termes i) d'information préalable à l'investissement, ii) de contrôle des comptes, iii) de gouvernance et iv) de représentativité, est ainsi garantie dans les SAS au même titre que dans les SA tout en favorisant le financement en capital des SAS.
IV. POINTS A APPROFONDIR
Deux points sortent du périmètre de la présente proposition, mais peuvent être pris en compte dans les consultations :
1. La définition du démarchage appliquée aux activités financières sur Internet
Pour inscrire l'activité des EFP dans un cadre réglementaire stable et précis, il conviendra de susciter une réflexion de place sur la définition du démarchage dans le cadre de la distribution de conseils et produits financiers sur Internet. Les textes actuels semblent particulièrement inadaptés aux évolutions d'usages par les épargnants et aux offres proposées par les acteurs financiers présents sur Internet.
Une possibilité, à débattre, pourrait consister à autoriser les EFP à réaliser des opérations de démarchage pour les titres financiers en plus de l'activité de conseil financier (en ajoutant le 1° de l'article 341-1 code monétaire et financier dans la liste des activités autorisées au 341-3 du comofi pour les EFP)
2. L'élargissement du cadre de l'Etablissement de Financement Participatif
La présente proposition traite exclusivement du statut d'Etablissement de Financement Participatif dédié à la souscription ou à l'acquisition d'instruments financiers émis par des entreprises. La finance participative comprend deux autres activités concernées par la réglementation financière, le don et le prêt, qui ne sont pas traitées ici.
Le statut d’EFP pourrait être élargi à ces deux autres activités de la finance participative selon une logique d’agrément multiple. L’EFP pourrait ainsi demander un agrément recouvrant différentes activités de la finance participative, sur le même principe que les établissements de crédit qui peuvent opter pour différentes activités. Des obligations spécifiques (fonds propres minimum, procédures, etc.) s'appliqueraient alors à chaque type d'activité réalisée par les EFP.
ANNEXE: LES PRATIQUES INTERNATIONALES
1. Les Etats-Unis
La première plate-forme de financement participatif est apparue aux Etats-Unis au début des années 2000 : Artistshare fut le premier site dédié au financement d’artistes de musique par les internautes. Différentes plates-formes basées sur le don ou l’octroi de prêt se sont ensuite développées. Le terme de « crowdfunding » est cité pour la première fois en 2006 par Michael Sullivan, fondateur de FundaVlog. Les premières plates-formes de crowdfunding dédiées aux entreprises apparaissent la même année et se développent rapidement.
La loi américaine interdisant à des entreprises de se déclarer en recherche de fonds et de démarcher des investisseurs particuliers non qualifiés, les premières plates-formes se développent sur 2 modèles de contournement:
- Les entreprises n’offrent pas de capital mais offrent aux premiers investisseurs la possibilité de bénéficier de leur produit avant leur mise sur le marché (ex : Kickstarter)
- Les entreprises n’offrent un accès à leur capital en échange des fonds investis qu’à des investisseurs « accrédités » i.e. des investisseurs étant considérés comme avertis sur la base d’un patrimoine excédant 1 million USD ou revenu annuel supérieur à 200,000 USD (ex : Angelist, Funders’ club, etc…)
Toutefois, ces deux solutions limitent fortement l’émergence d’un vaste marché du financement pour les petites entreprises à travers le crowdfunding en restreignant le nombre d’investisseurs y ayant accès et en contraignant fortement les contreparties capitalistiques à un investissement monétaire.
Plusieurs initiatives naissent alors pour rendre possible un crowdfunding visant à permettre à tous les individus de pouvoir investir une partie marginale de leur revenu dans des petites entreprises. Le volume des investisseurs ainsi rassemblés étant à même d’assurer des tours complets de financement en amorçage tout en ne mettant pas à risque l’épargne d’investisseurs non professionnels.
Tout d’abord, la Small Business Administration, agence gouvernementale dédiée au TPE/PME américaines, a mis en avant le rôle de TPE/PME dans l’économie américaine et plus spécifiquement dans la création d’emploi aux Etats-Unis. Républicains et démocrates se sont ainsi accordés sur la nécessité de favoriser la création et le développement des TPE/PME et donc leur financement.
Cette initiative cumulée avec la volonté politique des Démocrates se concrétise dans un projet bipartisan, opportunément nommé JOBS Act (Jumpstart Our Business Startups Act).
Adopté en avril 2012, ce projet de loi vise notamment à faciliter la levée de fonds pour les TPE/PME sur les plates-formes de crowdfunding et à autoriser des levées de fonds jusqu’à $1 million. Les principaux engagements qui permettent d’instaurer un cadre au développement des plates-formes sont :
- Coté entreprise : Si l’entrepreneur reste le seul garant de ses comptes pour une levée inférieur à 100 00€, il devra faire appel à un expert-comptable pour valider ses comptes lorsqu’elle est comprise entre 100 000€ et 500 000€, voir les auditer et les publier pour des levées supérieures à 500 000€.
- Côté investisseur : La capacité de financement des investisseurs reste encadrée notamment avec un niveau maximum d’investissement fonction des revenus annuels : 2% pour un revenu inférieur à 40 000€, 5% pour un revenu entre 40 000€ et 100 000€ et 10% pour un revenu supérieur à 100 000€.
Si le JOBS Act a été signé par Barack Obama en avril 2012, sa mise en place ne peut se faire sans l’aval de la Securities and Exchange Commission (SEC). La SEC bénéficiait d’un délai de 260 jours à compter de la signature du JOBS Act pour valider et proposer des modifications au projet de loi.
Le délai a été dépassé. Les réflexions de la SEC portent aujourd’hui sur une libéralisation plus forte des règles de communication publique lors d’une augmentation de capital (suppression des règles 506 et 144A) et la mise en place d’un organisme de régulation des plates-formes.
En parallèle, la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA) a mis en place un formulaire à destination des plates-formes de crowdfunding (Interim Form for Funding Portals) qui engagent les plates-formes à respecter des règles additionnelles.
Alors que le JOBS Act n’a pas été mis en place, deux plates-formes d’equity-crowdfunding ont néanmoins été aujourd’hui autorisées par la SEC : AngelList et le FundersClub. Ces plates-formes, de par leur mode de fonctionnement différent ont été considérées par la SEC en dehors du champ du JOBS Act.
Ainsi le FundersClub n’est pas considéré comme un intermédiaire entre les entreprises et les investisseurs (broker-dealer) mais comme une société de capital-risque. Néanmoins, à la différence des capitaux risqueurs, le FundersClub ne charge pas de frais de gestion mais est rémunéré uniquement en carried interest. Ce modèle de rémunération basé sur une potentielle plus-value future et non sur la transaction a été un des arguments retenus par la SEC pour la certification de la plate-forme.
Le modèle de AngelList est différent : chaque investissement réalisé par les investisseurs de AngelList est encadré par un Lead Angel, qui a pour rôle de structurer le tour et de déterminer les termes de l’investissement. Ce Lead Angel est rémunéré de la même manière par un carried interest qui est partagé avec la société d’investissement affilié à AngelList et le pool d’Advisors, qui certifie et effectue les diligences liés à l’inscription des investisseurs sur la plate-forme et des sociétés en recherche de fonds propres.
Les investisseurs de ces deux plates-formes doivent être des investisseurs avertis et qualifiés.
2. Le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni compte 44 plates-formes de crowdfunding. Le premier site JustGiving, lancé en 2000 est une plate-forme basée sur les donations : en 11 ans, plus de 12000 projets ont été financés pour un total de £700 millions levés.
La Financial Service Authority (FSA), désormais Financial Conduct Authority (FCA) est très rapidement intervenue pour réguler l’émergence des plates-formes de debt-crowdfunding et d’equity-crowdfunding. En 2011, Abundance Generation, plate-forme de debt-crowdfunding est approuvée par la FSA puis lancé en 2012.
Au niveau mondial, la première plate-forme d’equity-crowdfunding approuvée par un organe de régulation, en l’occurrence la FSA, est Seedrs Limited, en juillet 2012. Après 9 mois d’existence, Seedrs Limited totalise plus de £1million investi dans 21 startups.
Crowdcube, lancé en 2011 est la deuxième plate-forme approuvée par la FCA en février 2013 et totalise aujourd’hui plus de £6.7millions investis par près de 34000 investisseurs particuliers.
En étant approuvées par la FCA, les plates-formes offrent une protection à l’investisseur particulier avec la possibilité d’accéder à des experts indépendants membres du Financial Ombudsman Service (FOS) et de réclamer un dédommagement auprès de la Financial Services Compensation Scheme (FSCS).
Les plates-formes ont pour contraintes notamment de ne pouvoir adresser que des investisseurs qualifiés, sophistiqués ou certifiés « High Net Worth Individuals ». Les investisseurs sont syndiqués en pool d’investisseurs et doivent attester par écrit de leur capacité à prendre leurs propres décisions d’investissement.
En mars 2013, 12 plates-formes de crowdfunding se sont regroupés pour créer la UK Crowdfunding Association (UKCFA). Cette association a pour objectif d’apporter des informations claires et précises pour assurer la protection des investisseurs particuliers. Un premier code de bonne conduite avec 110 principes a été mis en place : les membres de UKCFA devant adhérer à celui-ci.
3. L’Allemagne
L’apparition du crowdfunding en Allemagne date de fin 2010. Le crowdfunding est considéré comme une source alternative de financement pour les micro-entreprises, les auto-entrepreneurs et les freelancers en recherche de capitaux pour financer les projets en amont.
Les montants levés à travers les plates-formes de crowdfunding allemandes atteignent deux millions d’euros en 2012, soit une croissance de +320% par rapport à 2011. La plate-forme Startnext représente 82% des montants totaux collectés.
Les plates-formes sont régulés selon le Capital Investment Act (Vermögensanlangengesezt – VermAnlG). Ce dernier stipule que les sociétés cherchant un financement inférieur à 100 000€ sur une année n’ont pas l’obligation de produire un prospectus de vente agréé. Les règles de limitation d’émission de parts (à savoir un maximum de 20 parts ou un prix minimum de 200 000€ par parts) ne s’appliquent pas aux plates-formes de crowdfunding.
Néanmoins sur les plates-formes appelées crowdinvesting, les montants levés dépassent souvent les 100 000€ et les sociétés ont alors l’obligation d’émettre un prospectus. Cette contrainte pèse sur les sociétés qui sont en levée de fonds et non sur les plates-formes. Les prospectus doivent être approuvés par la Federal Financial Supervisory Authority (BaFin).
Le crowdfunding à l’échelle nationale peine à se développer en Allemagne, la taille du marché restant encore trop modeste et le consommateur allemand peu enclin à investir sur des plates-formes dématérialisées. Cependant, à l’échelle régionale, les initiatives comme Nordstarter à Hambourg ou Vision Bakery à Leipzig connaissent un véritable succès et laissent présager un renouveau dans le crowdfunding allemand.
4. L’Italie
Le 29 mars 2013 la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (CONSOB), l’équivalent de la SEC aux Etats-Unis, a publié un décret qui intègre les plates-formes d’equity crowdfunding dans le Italian Trattato Unico Finanziario (Financial Services Act).
L’Italie devient le premier pays d’Europe à mettre en place une législation dédiée aux plates-formes d’equity crowdfunding qui autorisera les startups à lever jusqu’à 5 millions d’euros auprès de particuliers.
Le cadre réglementaire proposé par la CONSOB limite toutefois le champ d’intervention des plates-formes d’equity crowdfunding aux startups « innovantes ». Par exemple, une startup qui offrirait une solution innovante mais n’aurait de chercheur universitaire au sein de son équipe n’est pas éligible au financement par une plate-forme de crowdfunding en Italie.
Autre contrainte : un minimum de 5% du capital de la startup doit être détenu par un investisseur institutionnel (banque, intermédiaire financier, incubateurs,…). La CONSOB y voit un moyen de protection de l’investisseur particulier, la startup ayant été « due diligencée » par l’investisseur institutionnel avant son entrée au capital.
Enfin, les plates-formes d’equity crowdfunding ne sont pas autorisées à exercer l’activité de RTO et doivent s’associer à un intermédiaire financier ou une banque pour recevoir et exécuter les ordres pour compte de tiers.
5. Autres pays européens
Aux Pays-Bas, la plate-forme Geldvoorelkaar, basé sur le prêt, a collecté plus de 8 millions d’euros en moins de 3 ans finançant des projets de tailles diverses avec un maximum de 500.000 euros atteint par un projet hôtelier à Amsterdam.
En Suède, la plate-forme de crowdfunding FundedByMe initialement basée sur le don a vu son modèle évoluer vers l’equity crowdfunding depuis 2012. Elle est désormais présente en Norvège et depuis janvier 2013 en Finlande, toujours sur l’equity crowdfunding, avec pour objectif d’apporter aux startups le financement nécessaire à leur démarrage.
De l’Italie aux pays nordiques, l’intérêt des autorités devant le succès des plates-formes de crowdfunding est croissant. Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique européenne de réponse au JOBS Act américain.
Le crowdfunding européen bien que moins mature qu’aux Etats-Unis et encore inégal selon les pays et les réglementations qui en découlent, se structurent autour d’organismes transnationaux comme notamment l’European Crowdfunding Network (ECN). L’ECN est association européenne à l’origine d’un livre blanc sur le crowdfunding en Europe remis à la Commission Européenne. Elle rassemble plus de 150 membres dans 12 pays avec pour objectif de favoriser la construction d’un écosystème paneuropéen de crowdfunding.
Groupe de travail "Financement Participatif des PME"
- Jean Rognetta, PME Finance, Président
- Benoît Bazzocchi, SmartAngels, Rapporteur
- Barbara Belvisi, PiedEléphant, Rapporteur
- Oussama Ammar, The Family,
- Thierry Chevalier, Compinnov
- Thierry Merquiol, Wiseed
- Anne Saint-Léger, Finance Utile