S'implanter aux USA : témoignage Miguel Valdés Faura, BonitaSoft
Se financer en France et se développer aux États-Unis: le cas de BonitaSoft
« On n'a jamais vendu autant au CAC 40 que depuis qu’on est en Californie ! »
Un partage d'expériences entre San Francisco et Paris, jeudi 26 septembre 2013, avec Miguel Valdès Faura, fondateur de BonitaSoft.
Implantée en Californie et au Massachussetts, PME Finance organise régulièrement des visioconférences d’entrepreneurs ayant réussi leur implantation aux Etats-Unis.
Pour Miguel Valdès Faura, à la tête de l’éditeur de logiciels libres BonitaSoft, et ses associés, il était clair dès le premier jour qu’il serait nécessaire d’implanter la société outre-Atlantique. Il était essentiel de s’implanter là où se situe l’écosystème de son entreprise, si l’on souhaite devenir un leader mondial dans son domaine. Eric Didier, qui anime PME Finance à San Francisco, réagit : « On a rarement vu des chantiers navals qui n’étaient pas en bord de mer ». L'ancrage de l'édition de logiciels se trouve indéniablement dans la Silicon Valley. Aux Etats-Unis, il est beaucoup plus facile d’émerger avec un bon produit qu’en France. La pénétration d’un marché peut être rapide et pérenne. En revanche la compétition est énorme. Les exigences des clients explosent dès qu’un contrat est signé.
En conséquence, l’internationalisation faisait partie du plan de développement de BonitaSoft depuis sa création quand Miguel Valdés Faura, Charles Souillard et Rodrigue Le Gall sont parties de Bull, ou ils étaient en charge de l'activité BPM et du logiciel open source Bonita, pour démarrer l'aventure BonitaSoft. Ventech (Claire Houry) et Auriga Partners (Philippe Granger) apportent les premiers 4,5 millions d'euros et en 2010, Miguel part vivre à San Francisco, suivant le conseil de Bertrand Diard (Talend) : « De toutes manières, tu commettras des erreurs. Alors, autant les faire tout de suite ! ».
L'entrepreneur attaque le marché des processus métiers (BPM) en faisant levier sur les clients déjà gagnés à l’export et prend progressivement conscience :
- du niveau d’exigence des clients américains : « Dix fois supérieur à leurs équivalents français ! » ;
- des particularités de la communication envers les analystes, les journalistes et les blogueurs outre-Atlantique : « Il faut être beaucoup plus précis, ne communiquer que sur le 1% original qui fait le produit » ;
- de l’importance cruciale que revêtent les partenariats technologiques.
BonitaSoft c’est aujourd’hui 125 salariés, en France pour la plupart, et 25 nationalités différentes. Plus de 2,5 millions d’utilisateurs dans le monde, 700 clients dans 60 pays différents. L'entreprise a levé 18 millions d’euros supplémentaires, le dernier tour auprès du FSN PME : la R&D et le financement restent en France, mais le chemin du succès passe par la Californie.
Si les levées de fonds restent françaises chez BonitaSoft à ce stade de développement, c’est par réalisme. « Attirer un investisseur américain, c'est lui promettre 200% de croissance », sourit Miguel. Un investissement américain peut se révéler également plus compliqué pour gérer sa sortie, lorsque il est lié à une valorisation trop élevé. Les financements français offrent des marges de manoeuvre beaucoup plus importantes.
Mai 2013: BonitaSoft lève 10 M€ pour son troisième tour de table
Après avoir discuté avec des VCs américains, l'éditeur de logiciels a finalement choisi d'accueillir à son capital le FSN-PME et plusieurs fonds de capital-risque français.
Du point de vue de la communication, Silicon Valley regroupe le top 10 des journalistes les plus influents dans chaque domaine technologique. Pour les toucher, les partenariats technologiques peuvent jouer un rôle clef, à condition d’arriver avec une proposition déjà travaillée en amont jusqu’à l’intégration.
« En tant que Français, c’est facile de commencer ici, on est tout de suite bien vu » souligne Miguel Valdès Faura, mais il reste néanmoins essentiel de comprendre comment le business se fait avec les Américains, quelles sont les règles à respecter, les erreurs à éviter. L'entrepreneur évoque ainsi comment une simple discussion avec une amie entrepreneure française l’a conduit à réduire radicalement les délais instaurés pour recontacter chaque internaute qui téléchargeait une application. Idem à propos des temps de réponse par mail et des horaires de rendez-vous à respecter. Eric Didier rebondit : « Si l’on ne répond pas dans la journée à un mail, on est pris pour un clown. Et si jamais on arrive 20 mn en retard à un rendez-vous, un peu "à la française", on est définitivement pris pour un clown ! ».
Dans la salle à Paris, deux investisseurs – Anne Leforestier de 3i et Eric In d'Entrepreneur Venture – s'inquiètent tous deux du recrutement. Il faut dire que le problème est chronique : « La logique du recrutement et l'écriture d'un CV sont très différentes ici et tous les entrepreneurs français qui arrivent commettent des erreurs à l'embauche» reconnaît Eric Didier. Ainsi par exemple des stock-options, importants pour motiver les salariés américains au même titre que le succès de l'entreprise. Fédérer l’équipe en organisant des déjeuners, des événéments avec les conjoints, des goodies (stylos, T-shirts, sacs à dos, etc.), semble tout aussi indispensable. Dans la logique américaine, les salariés doivent être heureux de s’investir dans leur entreprise.
C'est ainsi que chez BonitaSoft, toute la R&D reste en France, ainsi que les finances. La France un formidable terreau pour créer des entreprises très innovantes. Mais la vente et le marketing sur le sol américain basculent aux Etats-Unis, creuset de l'internationalisation : qui mieux qu’un Américain saura vendre à d’autres Américains les logiciles de la start-up ? En revanche, les profils techniques français (tels que avant-vente ou services clients) sont très bien perçus aux Etats Unis. Miguel Valdés a fait ainsi venir certains de ses collègues français, en les payant les salaires en vigueur aux Etats-Unis, afin de compenser les prix de l'immobilier et les coûts dus à l'absence de protection sociale, de retraite, voire à l'éducation des enfants. «Je n'ai jamais été déçu quand on a donné des opportunités à des collègues français !» s'exclame Miguel Valdès Faura..
BonitaSoft à PME Finance
En 2011, Bonita Soft participe à un dîner jeu-de-rôle sur l'internationalisation de PME Finance. Sa problématique:
Miguel Valdès Faura: « Notre business c'est comment faire pour transformer, ou convertir un utilisateur qui ne paye pas en client? »