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Loi Macron et Credit Inter-Entreprises

Actualité

Le crédit inter entreprises, le monopole bancaire et la loi Macron

Lors de l’examen des travaux de la loi Macron, un amendement permettant le crédit entre entreprises sans recours à un établissement bancaire a été adopté en séance, malgré l’avis défavorable du gouvernement.

Par Hubert de Vauplane, avocat à la Cour (Kramer Levin), le 16 février 2015

De quoi s’agit-il ? Selon le député de Neuilly-sur-Seine Jean-Christophe Fromantin (UDI), porteur de l’amendement, « cet amendement propose donc une chose très simple, qui se pratique dans d’autres pays : laissons à deux entreprises, qui sont en relation commerciale, la possibilité de s’octroyer des facilités de trésorerie dans un acte sous seing privé, donc de gré à gré. Ainsi, une entreprise donneuse d’ordres travaillant avec un sous-traitant qui connaît des difficultés ne peut pas aller au-delà du crédit fournisseur qu’elle peut lui accorder en facilitant les délais de paiement. Mais elle pourrait aller un peu plus loin en lui accordant une ligne de trésorerie sur deux ans maximum, dans le cadre d’un contrat, de manière à surmonter ce passage difficile. L’entreprise donneuse d’ordres le ferait d’autant plus qu’elle connaît le sous-traitant : étant son acheteur, elle est la mieux placée pour juger la qualité des produits de ce sous-traitant, l’aider à maintenir l’équilibre et à assurer sa pérennité. Il ne s’agit donc pas de bouleverser le monopole bancaire, vous l’avez bien compris, mais d’étendre une exception qui existe déjà puisqu’à l’intérieur d’un groupe, ce crédit entre filiales ou entre entreprises est possible ; mais souvent, une relation commerciale de confiance est au moins aussi forte qu’à l’intérieur d’un groupe ».

Le rapporteur pour sa part, a émis un « avis de sagesse », considérant qu’il s’agissait là d’une bonne idée mais que ce type de crédit « doit être extrêmement régulé pour éviter tout risque d’abus de bien social ». On avouera rester perplexe sur l’argument qui ne convainc absolument pas (on ne voit pas en quoi le fait pour une entreprise de prêter de façon occasionnelle conduirait son dirigeant à « utiliser en connaissance de cause les biens, le crédit, les pouvoirs ou les voix de la société à des fins personnelles, directes ou indirectes »). De son côté, le gouvernement a émis un avis défavorable, estimant que l’ouverture sur le crédit inter-entreprises devait se réaliser autour des discussions sur le bon de caisse (dont on a rendu compte ici).   S’en en suivi un débat assez nourri faisant éclater les clivages politiques, le PS s’alliant à l’UDI, contre l’UMP.

Rappelons que selon les statistiques de la Banque de France à fin décembre 2014, les encours de crédits bancaires mobilisés des PME, ETI et grandes entreprises atteignent 685,7 milliards d’euros hors catégorie « divers SCI ». Les encours de crédits pour les seules PME représentent un encours de 372 milliards d’euros. Ces chiffres sont à rapprocher du « crédit inter-entreprises » qui, selon l’Observatoire des délais de paiement, représente en France environ 605 milliards d’euros (chiffres 2011). Ce crédit inter-entreprises s’entend par l’encours de créances clients, diminué des avances versés par anticipation par ceux-ci. La difficulté tient ici à la définition donnée au « crédit inter-entreprises », lequel correspond à ce que le code monétaire et financier défini comme des « délais ou avances de paiement », et non véritablement à un prêt.

Il convient de rappeler en effet qu’aujourd’hui deux types d’exceptions au monopole bancaire existent pour les entreprises : le « crédit fournisseur », c'est-à-dire les avances ou délais de paiement ; et le « crédit de trésorerie intra-groupe ». Mais il reste impossible à une entreprises de prêter à une autre entreprise si ces deux entreprises n’appartiennent pas à un même groupe, ou pour reprendre la loi, si l’une des sociétés n’a pas « des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ». Ainsi, toute « opération de crédit », au sens où l’entend la loi, est réservée à un établissement de crédit ou une société de financement. C’est ce que l’on appelle le monopole bancaire.

L’amendement voté à l’Assemblée Nationale permet d’ajouter une nouvelle exception au monopole bancaire en permettant aux entreprises d’effectuer des opérations de crédit, « y compris lorsqu’il n’y a pas de liens de capital entre ces entreprises ». Mais cette faculté serait toutefois encadrée par une condition : l’existence d’un « contrat de partenariat » entre les entreprises. Que faut-il entendre par là ? Les débats sont muets sur la question mais l’on comprend l’idée : réserver le crédit inter-entreprises aux entreprises qui se connaissent, qui ont un courant d’affaires ensemble. Certes, un contrat de partenariat peut revêtir différentes formes. Y compris bien sûr dans une relation client / fournisseur. Et c’est là sans doute qu’il convient de porter la plus grande attention.

Si l’idée d’ouvrir la possibilité aux entreprises à se prêter entre elles doit être saluée, il convient de veiller à ce que cette faculté ne conduise pas à une plus grande emprise des grands donneurs d’ordres sur leurs fournisseurs, ajoutant encore plus de dépendance économique (dont on rappellera que l’abus est prohibé par le code de commerce), mais aussi financière vis-à-vis des ces grandes entreprises. C’est d’ailleurs là la principale objection avancée lors des débats parlementaires. Car si depuis 2010 il existe une Charte régissant les relations entre grands donneurs d’ordres et PME, force est de constater que certaines TPE et les PME restent fortement sous la dépendance de leurs grands clients.

Mais si la France a besoin de ses banques pour financer ses entreprises, ces mêmes banques ne peuvent et pourront de moins en moins financer ces mêmes entreprises, en particulier lorsque la reprise économique interviendra, du fait des contraintes prudentielles qui pèsent sur elles. C’est donc en prévision de cette croissance du besoin de crédit qu’il convient d’aménager les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent avoir recours au crédit auprès d’autres entreprises – ou du crowdfunding.